Il existait à Montpellier un immense terrain militaire de 24 hectares situé au cœur de la ville, une terra incognita dont aucun des habitants n’avait accès. Décidant d’optimiser leur patrimoine, l’armée décida en 2009 d’en partir et de le vendre. Consciente de cette fabuleuse opportunité mais ne sachant pas trop quoi en faire, la municipalité fit appel aux idées de tout un chacun, libre de s’entourer de spécialistes jugés opportuns. Certains voulurent y installer de l’industrie de pointe. D’autres vinrent avec leur promoteur pour en faire un énième éco-quartier générique et décontextualisé, recette incontournable des projets de reconversion des sites militaires délaissés aux abords des centres villes. Nous, au lieu de faire un projet qui pourrait être partout, on a voulu faire un projet qui ne puisse pas exister ailleurs. Le contraire d’un modèle ou d’un standard : un truc pas reproductible, rapidement accessible aux habitants de la ville.
En nous intéressants à l’histoire, nous avons découvert que Port Juvénal était il y a longtemps le port du fleuve côtier le Lez qui longe Montpellier. Navigable en grande partie, il permettait à la ville de commercer avec les autres cités de Méditerranée. Des peaux de moutons y arrivaient par bateaux, étaient mises à sécher dans des champs. Remplies de graines et d’insectes, ces peaux ont participé à coloniser cette nouvelle terre d’accueil.
Le sujet du voyage et de l’acclimatation, nous a semblé une alternative au devenir de ce site et rien n’étant plus durable que le vide en ville, nous avons proposé d’en faire un grand parc sur un thème localement spécifique : la médecine. L’état des finances municipales ne permettant pas la mise en œuvre immédiate d’un tel parc, nous avons proposé qu’il se construise dans un temps long, selon un processus migratoire identique à la construction de Montpellier dont ses différents quartiers témoignent aujourd’hui, par l’intermédiaire d’une biennale de la médecine naturelle dont s’emparent aujourd’hui tous les grands groupes pharmaceutiques. Un tel festival serait l’occasion d’inviter un pays, ses chercheurs, ses étudiants et ses habitants qui pourraient investir le casernement réhabilité du site et qui apporteraient à Montpellier leur « climat » spécifique. Constitué en premier lieu d’un biotope à implanter dans une partie du parc, au meilleur endroit pour son acclimatation, ce climat pourrait être aussi d’ordre culturel et social et rayonnerait par extension dans la ville, comme autant de savoirs et d’histoires lointaines à partager.
Pour paraphraser Fernand Braudel, ce projet de paysage, avant de mettre en scène « les événements retentissants », est le lieu d’expression des « grands courants sous-jacents ». La ville méditerranéenne est par essence une ville stratifiée. La spécificité du parc de la « Fabrique des climats » de Montpellier est là, son histoire a commencé au 12ème siècle.