L’escalier

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Tout pourrait commencer par l’histoire de cet escalier, solidement ancré sur une brisure de falaise en phyllades de schiste du cap Sicié, non loin de Toulon. Il a été mis en œuvre de haut en bas à la fin des années 50, par un entrepreneur du coin, avec une prise de risques qu’il serait aujourd’hui difficile d’imaginer. Nous pouvons penser au maçon, tout juste encordé, anticipant au cours de sa descente le tracé des marches successives en fonction des obstacles rocheux rencontrés.

Cet escalier parle avant tout de la rencontre d’une spécificité géologique avec un savoir artisanal. On sent que la méthode est empirique, sans dessin ni calcul. Il est né de cette rencontre une vraie émotion du parcours. Tant pis pour ceux qui ont le vertige ! L’escalier plonge abruptement dans la falaise pour nous offrir en premier le spectacle intense de la roche stratifiée et agressive plongeant dans la méditerranée avant de se plier et de se replier, ouvrant alternativement des vues en balcon sur les calanques.

Ce maçon possédait un savoir, pas de ceux que l’on pourrait trouver dans les livres, plutôt un savoir fondé sur le bon sens. L’escalier est constitué de briquettes rouges, légères à porter, faciles à manipuler et à coincer dans les anfractuosités de la roche. Une fois les briques sérieusement calées, un glacis de ciment leur a été appliqué. Ainsi recouvert de ce voile gris et rugueux, volontairement non lissé pour que les pieds s’y accrochent bien, l’escalier disparaît dans le paysage de cette côte sauvage. Encore aujourd’hui, il subit sans bouger les éboulements de falaise et les agressions des tempêtes d’hiver.