L’école n’est pas un produit

Catégorie,

En octobre 2017, de nombreux acteurs locaux du bâtiment ont accueilli avec surprise l’annonce de la Ville de Marseille du recours à un partenariat privé pour la démolition et la reconstruction d’une trentaine de ses écoles dans le cadre de son « Plan École d’Avenir » dont on appréciera l’acronyme. Certes la pression était forte face au constat de vétusté de ce patrimoine scolaire nécessitant un investissement massif difficile à surmonter. Les conseillers financiers des élus ont étonnamment conclu que seuls des opérateurs privés seraient capables de relever le défi sans risque de dérapage pour la collectivité, alors que nous avons pu nous-mêmes constater la volonté indéfectible de la Direction des Études et des Grands Projets de la Ville de maîtriser le coût et les délais de leurs opérations contractualisées en procédure loi MOP.

Quels seront les effets secondaires à plus ou moins long terme d’une école de la République conçue comme un « produit », terme employé par une entreprise major du BTP à ce sujet, et dont l’objectif principal reste malgré tout l’optimisation d’un bilan financier ? Que penser également du choix politique de démolir les bâtiments existants, réalisés dans les années 60 en structures modulaires métalliques, sans autre forme d’expertise que leur apparente vétusté et leur soi-disant difficulté d’adaptation fonctionnelle, quand des architectes ont su prouver avec inventivité et pragmatisme qu’un sort différent était possible pour le logement industrialisé datant de la même époque ?

Par souci d’économiser la location de classes provisoires, cette tabula rasa ne risque-t-elle pas aussi de sacrifier les qualités d’insertion urbaine et paysagère des nouvelles constructions, contraintes par l’implantation du bâti originel préservé le temps des travaux pour accueillir les élèves ? Au delà de ses difficultés d’investissement et de gestion d’une telle opération, la Ville doit s’interroger sur la pertinence du choix de ce type de partenariat pour ses équipements publics de proximité, pour lesquels les questions d’usage, d’évolution et même de reconversion ne peuvent faire l’objet d’aucun compromis financier. Dans la ville de la Friche La Belle de Mai, d’autres voies sont certainement possibles… Comme toutes les collectivités, elle doit aussi s’interroger sur la valeur du patrimoine qu’elle souhaite léguer, qui se joue aujourd’hui sur la qualité de ses choix et des procédures qu’elle utilise pour les accomplir.

Tribune parue sur le site internet de l’Architecture d’Aujourd’hui en 2018