Structures por(t)euses

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La crise sanitaire nous a rappelé l’importance de l’abri primitif.

Et c’est une évidence, tout abri possède un sol et un toit, quelque soit la nature de son usage. Entre les deux, une structure porteuse, planchers intermédiaires compris, dont dépendra, suivant son organisation, notre plaisir de vivre à titre individuel et collectif. En dépendra aussi la capacité de l’abri à accueillir différents usages successifs.
Dans le temps suspendu de nos vies confinées, nous nous sommes tous posés plus ou moins consciemment la question de savoir si l’organisation des structures porteuses de nos abris correspondaient à notre réel désir d’habiter.

Devons-nous continuer à vivre dans des logements façonnés par un modèle économique visant l’appât du gain maximal à de rares exceptions près ? D’autres modèles, plus vertueux, ne produiraient-ils pas de bien meilleurs logements si on se questionnait sur le véritable confort recherché ?

Devons-nous continuer à vivre entre refends et façades porteurs comme si nous étions déjà enterrés entre quatre planches ? Cette panacée constructive qui étouffe ceux qui la fuient pour le monde meilleur du pavillonnaire ne pourrait-elle pas être remplacée par des structures plus ouvertes sur le monde ? Grace à ces structures poreuses, ne pourrait-on pas imaginer les logements comme autant d’organismes vivants interdépendants, prêts à s’adapter à toute nouvelle tranche de vie ?

Privés des espaces de porosité sociale, devons-nous continuer d’ignorer nos voisins de quartier et d’immeuble en passant directement du 3ème sous-sol du parking à occupation foisonnée à son T2 mono-orienté en empruntant ce miracle technologique qu’est l’ascenseur, oui mais en inox pour la facilité d’entretien et avec miroir pour se recoiffer ? Ne peut-on pas imaginer là-encore des structures porteuses et poreuses qui nous permettraient de discuter avec ses voisins sans avoir à se pencher dangereusement de son balcon et sans se servir de son appendice téléphonique ?

Dans son installation vidéo « The Column », présenté en 2013 au musée du Jeu de Paume à Paris, l’artiste albanais Adrian Paci montre une équipe d’artisans chinois sculpter à fond de cale de bateau un bloc de marbre de même origine pour en faire une colonne de style gréco-romain à destination de l’occident. Selon Adrian Paci, cette installation est une réflexion sur la vitesse à laquelle l’offre et la demande doivent être satisfaite dans l’économie contemporaine.

La paralysie économique mondiale que nous venons de vivre a fait remonter à la surface les métiers dont nous avons réellement besoin pour vivre sans artifice et nous a fait prendre conscience de la préciosité des ressources locales. Ne pourrait-on pas imaginer une pensée constructive capable de s’y adosser, dans une frugalité d’ensemble affirmant simplement l’essentiel ?

Jérôme Apack

Texte écrit dans le cadre du manifeste confiné du domaine d’étude Processus & Partage de l’ENSAM, mai 2020