Entre archaïsme et haute technologie

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Au cours du XXème siècle, l’avènement du béton a suscité un tel engouement de la part de la filière constructive qu’il a relégué la pierre, jusqu’alors utilisée à des fins structurelles, à un rôle purement décoratif. L’appauvrissement des ressources, la nécessaire frugalité énergétique et l’envie d’un retour aux matériaux naturels remettent aujourd’hui la pierre sur le devant de la scène quand bien même elle s’accorde avec difficulté aux nouvelles contraintes règlementaires de l’Art de bâtir.

Mais la filière s’organise. Il y a eu les précurseurs, de l’inventif Fernand Pouillon au pragmatique Gilles Perraudin qui ont permis la réouverture de carrières et la sensibilisation de nombreux acteurs du bâtiment à son utilisation. Aujourd’hui, beaucoup d’architectes tentent l’aventure de la construction en pierres massives, déjouant parfois naïvement les lois de la gravité. Ils alimentent ainsi la réflexion de son ingénierie naissante et par incidence, stimulent l’ensemble de la filière de transformation de cette matière première.

Les tailleurs de pierre de l’atelier Le Grain d’Orge font partie d’une « équipe de dingues pour des projets fous » tels qu’ils se définissent sur leur nouveau site internet récemment mis au goût du jour. Sous la direction d’Olivier Chastel, ils réinventent la taille en mélangeant techniques ancestrales et machines-outils à commande numérique dignes d’une chaîne de production automobile. A l’intérieur de leur imposant atelier fait d’un empilement de blocs de pierres cyclopéens, il règne une ambiance où les tailleurs côtoient des machines aux faux airs de Méta-Matic de Jean Tinguely. Les scies circulaires traditionnelles ont été artisanalement adaptées pour permettre toutes sortes de stéréotomie, tout comme les foreuses chargées de traverser de part en part d’imposants blocs pour assurer par la suite leur post-contrainte, qui est une technique d’assemblage dynamique transposée du béton à la pierre pour optimiser ses performances structurelles.

L’atelier dégage une grande énergie créatrice et un grand optimisme quant au renouveau de ce matériau par le biais de l’expérimentation, sans oublier toutefois, du propre aveu d’Olivier Chastel, que la main humaine a toujours le dernier mot.

Jérôme Apack

Texte introductif à la conversation entre Olivier Chastel de l’atelier le Grain d’Orge et Jérôme Apack, écrit dans le cadre du séminaire « Dialogues Eupaliniens » organisé par le laboratoire de recherche Project de l’ENSA-M en septembre 2018